Quelle part pour l’électrification directe en 2050 ?
Depuis les années 70, le rôle que joue l’électricité dans l’ensemble des activités humaines a augmentée : maintenant, la part du vecteur énergétique électricité pour les pays de l’OCDE ne dépasse pas 20% de l’ensemble des différentes formes d’énergie livrées aux utilisateurs finaux : industries, services, transports, particuliers,… Les 80% restants reposent entièrement sur des sources carbonées fossiles, utilisant les possibilités offertes par la combustion et donc la thermodynamique.
Toutefois, pour atteindre les objectifs de la neutralité carbone en 2050 que recommandent le GIEC, il est de plus en plus proposé de faire basculer sur le vecteur électricité la plupart des usages et processus utilisant de l’énergie. Ainsi pour l’Europe, certaines propositions atteignent 60% ( Mission (Im)Possible, Eurélectric ), voire même 85% ( Université de Lappeenranta ) de part de l’énergie finale pour les plus maximalistes.
Une telle systématisation du recours à l’énergie électrique, dont on conviendra que le potentiel de production à partir de sources renouvelables est immense, se heurte toutefois aux risques concernant les réseaux électriques chargés de la transporter et la distribuer. Dépendre d’un seul vecteur énergétique qui se stocke difficilement à faible coût et qui peut facilement faire l’objet de rupture d’approvisionnement à cause de tempête solaire, d’attentat sur le réseau et d’attaque par virus informatique contre les dispositifs numériques chargés d’équilibrer en temps réel la consommation et la production, peut inquiéter.
Cette fragilité milite pour un recours plus modéré à ce vecteur énergétique, tel ce qui a déjà été proposé dès 2011, soit entre 40 et 50%, au profit de vecteurs énergétiques carbonés non fossile, à faible coût de stockage et stockage à long terme. La biomasse-énergie à elle seule est largement insuffisante pour satisfaire la totalité des besoins, en particulier pour les pays à forte densité démographique. Les hydrocarbures de synthèse non fossile et propres conviennent au mieux pour fiabiliser de tels systèmes énergétiques complexes.
De la chaleur
Malgré de multiples tentatives d’étendre le rôle de l’électricité dans l’industrie, le méthane reste difficilement remplaçable pour les hautes températures. Plus facile à résoudre, la chaleur à basse température pour l’industrie et l’habitat a de nombreux substituts tels que la biomasse, l’énergie solaire, la géothermie, notamment en généralisant les réseaux de chaleur.
En particulier, la généralisation des pompes à chaleur aérothermique ( ou climatisation réversible ), favorisées par leur coût d’investissement réduit, pourrait atteindre la moitié des modes de chauffage en Europe, malgré l’incapacité à délivrer de la puissance calorifique durant les épisodes de température négative, impliquant alors d’investir dans un moyen de chauffage complémentaire, tel que chaudière hybride, poêle à granulés,…
Le méthane de synthèse pourrait être produit à partir de 2040 à 60 Euros/MWh, voire 50.
Ce n’est pas tant l’ampleur des substitutions de vecteurs énergétiques et donc d’investissements qui surprend que la rapidité à laquelle ce « grand remplacement » devrait avoir lieu : une trentaine d’année pour l’Europe. Or jusque là, les évolutions qui ont eu lieu dans ces différents secteurs se déroulaient selon des rythmes lents ; il s’agirait donc d’une révolution à marche forcée.
Les transports
Mais c’est surtout dans les transports que les avantages des hydrocarbures sont les plus flagrants. Les tentatives d’électrification dans les secteurs maritimes et aériens n’auront qu’un impact limité à quelques niches de petites tailles telles que les navettes fluviales et côtières, des avions de transport court-courrier de moins de 1500 km de rayon d’action. Cela tient avant tout à l’importance que joue la densité énergétique, tant massique que volumique des hydrocarbures liquides, cela au moindre coût. Même avec les batteries électrique à forte densité énergétique qui vont se généraliser vers 2030, soit 500 Wh par kg, 10 fois inférieur aux hydrocarbures, il n’est pas possible de supplanter la plupart des motorisations thermiques.
Quant aux transports terrestres, voués depuis une décennie par de nombreux documents à l’électrification totale, les possibilités d’électrification sont importantes. Très élevé même pour les transports urbains et périurbains. Pour les transports de marchandises, en dehors de la part qui peu faire l’objet de transfert modal de la route vers le rail, les motorisations thermiques permettent d’atteindre et desservir les villages les plus éloignés.
Pour les véhicules individuels, il faut évoquer la part des trajets de longue distance qui représentent au moins 25% des km parcourus en Europe et aux Etats-Unis. Aucune des solutions alternatives ne parvient à égaler les avantages des solutions déjà connues avec les carburants liquides : il apparaît déjà possible de produire en grande série des véhicules de type hybride rechargeable à 28 000/33 000 €. Également accessible pour le grand public, on trouve depuis 10 ans des hybrides à partir de 20 000 €. Les solutions de type batteries électriques ou hydrogène ne parviennent pas à résoudre à faible coût cette catégorie d’usage jusque là totalement négligée par les promoteurs du « tout électrique ».
Il s’agit donc plutôt d’une fuite en avant, ignorant les réalités scientifiques, techniques et industrielles pour tenter de répondre à l’urgence climatique.